La relation client Customer Centric. Le seul patron, c’est le client

Écouter la voix du client, une tendance de fond qui bouleverse jusqu’à l’organisation de l’entreprise

Le nouvel Economiste Le nouvel Economiste | Publié le 3 novembre 2017
La relation client Customer Centric. Le seul patron, c’est le client

Le digital a totalement bouleversé la relation client. Les technologies digitales, et notamment mobiles, changent la relation que le client entretient avec la marque. Plus exigeant, en quête de réponses précises et immédiates à ses problèmes, il surfe sur tous les canaux de contact. La relation humaine ne disparaît pas pour autant et les datas permettent de personnaliser, voire même d’humaniser la relation. Les organisations des entreprises s’en voient également modifiées. Repensées, elles redéfinissent les rôles des directions, et notamment du marketing. La technologie omniprésente n’est finalement qu’un outil au service d’un besoin : écouter la voix du client pour le fidéliser.


par Pascale DecressacAnnonce légale dans Le nouvel Economiste

Plus de digital, donc plus d’humain
La personnalisation de la relation et l’expérience client s’envolent grâce au numérique

Létude MMAF (Mobile Marketing Association France) de mars 2017 montre que le mobile a dépassé l’ordinateur comme outil privilégié de connexion à Internet. Plus mobiles, les utilisateurs sont aussi en quête d’immédiateté. Les clients peuvent désormais acheter en ligne à toute heure ; ils ont donc besoin d’une assistance en permanence. Les canaux digitaux automatisés (type ChatBot) permettent de répondre à ce souhait d’immédiateté sans mobiliser des conseillers clientèle jour et nuit.
La première motivation des entreprises pour proposer aux clients des canaux alternatifs au téléphone était de réduire leur volume d’appels et les coûts associés à ce canal synchrone, et donc chronophage et coûteux. “La fin des appels a été l’un des mirages d’Internet. La vérité est que la multiplication des canaux de contact n’a pas réduit le nombre d’appels”, souligne Cédric Belloir, directeur de la relation client chez Direct Energie. Le téléphone reste en effet le canal le plus utilisé (61 %) et le plus satisfaisant (80 %) selon l’Observatoire des services clients (sondage BVA, octobre 2016).

L’hybridation des canaux

S’il ne réduit pas le canal téléphone, le digital permet de le focaliser sur les demandes à forte valeur ajoutée. Offrir au client la possibilité de se débrouiller le plus possible par lui-même permet d’éviter des appels pour des problèmes pouvant être résolus en ligne. Les outils de self care répondent parfaitement à cette tendance. “The best support is no support” est devenu le leitmotiv des éditeurs de solutions de self care comme Knowesia. “Les utilisateurs veulent plus d’autonomie et une assistance humaine en dernier recours. Il n’est pas question de supprimer l’humain, mais il doit se concentrer sur les tâches à forte valeur ajoutée”, explique Thibault de Clisson, CEO de Knowesia.

“La tendance est à l’hybridation des canaux de relation client, au mix du digital et à la relation humaine à toutes les étapes du parcours client”, note pour sa part Thierry Spencer, directeur associé de l’Académie du service. “Même avec le digital, il faut garder un esprit humain, une proximité, une personnalisation, une connivence et un esprit conversationnel”, confirme Bruno Heude, responsable relation client chez Canal Plus Overseas.

Customer centric

Les consommateurs attendent du service client un certain niveau de qualité, et donc un ciblage optimal. Les marques cherchent de plus en plus à s’adapter aux demandes de chacun, voire à anticiper les besoins : elles sont devenues “customer centric”. Le temps du brief figé est révolu ; l’heure est à la personnalisation en fonction du profil du client et des données récoltées au cours de précédents échanges via les différents canaux. Il s’agit donc d’exploiter le big data en le transformant en smart data, tout en veillant au respect des données personnelles dont les règles seront renforcées avec l’entrée en vigueur, en mai 2018 de la directive européenne RGPD (General data protection regulation). Auteur de ‘Le digital expliqué à mon boss’, Yann Gourvennec l’assure : “oublions la relation client. Ce que le consommateur recherche, c’est l’expérience. Si Amazon est devenu une référence, c’est parce qu’il propose une vraie expérience client”. De son côté, Marcos Gallego, directeur général adjoint de Téléperformance French speaking market, l’affirme : “l’expérience client est aujourd’hui une stratégie centrale pour toutes les entreprises. La qualité des produits ou des services ne suffit plus”. Parallèlement à l’intelligence artificielle, “la véritable tendance est de mettre les émotions au cœur du service client”, assure Marcos Gallego car “les entreprises ont compris que la perception de la marque est composée à 50 % d’attributs de la marque et à 50 % de service client”.

La fin des silos

Le client désormais au centre modifie profondément les organisations. Ou comment le marketing digital pénètre toutes les directions de l’entreprise.
136 milliards de dollars de ventes en 2016 (+18 % en un an) : le succès d’Amazon fait rêver. Et si la recette miracle tenait à l’attention portée aux clients ? En 1997, Jeff Bezos, PDG d’Amazon, écrivait à ses actionnaires : “nous continuerons à nous concentrer sans relâche sur nos clients”. Vingt ans plus tard, la devise n’a pas changé. Amazon fait de la qualité de son service l’une de ses marques de fabrique. “Si vous voulez que les clients vous fassent confiance, faites-leur confiance !”, conseille Frank Rosenthal, expert en marketing du commerce, qui estime que toute réclamation est une opportunité de transformer un client mécontent en client satisfait qui partagera son expérience. De ce principe, s’il est réellement intégré à tous les niveaux de l’entreprise, découlent des évolutions en cascade dans son organisation. Et en matière de marketing comme de relation client, les marques plébiscitées sont celles qui se démarquent. Comme le souligne Marcos Gallego, directeur général adjoint de Téléperformance French speaking market, “les grandes marques veulent avant tout des clients promoteurs”. La dernière enquête mondiale annuelle de Téléperfomance montre qu’un client satisfait après une interaction avec le service client a un score de fidélité 17 % supérieur à celui d’un client sans interaction. À l’inverse, un client qui a une expérience négative a 25 % moins de chances de rester fidèle. “Les marques ont compris que dans les temps difficiles, garder les clients est au moins aussi important que d’en acquérir”, précise Vincent Bernard, président de Webhelp France.

La multiplication des canaux de contact a non seulement augmenté le volume des interactions mais également profondément modifié les organisations des entreprises. Les centres d’appels ont fait place à des centres de contact. Webhelp, historiquement spécialisé dans les call centers offshores, s’est recentré sur le digital et rachète régulièrement de petites sociétésocietes spécialisées dans des technologies digitales. “Nous accompagnons nos clients dans leur transformation digitale et essayons d’anticiper les évolutions de demain. Toutefois, à côté de l’innovation, les clients ont un niveau d’exigence toujours plus fort sur les basiques, en particulier sur la capacité d’une hotline à répondre en moins de dix secondes et à traiter une demande de bout en bout”, explique Vincent Bernard.

Le digital impacte les RH

Là où le téléphone avait le monopole de l’immédiateté, le digital a entraîné la multiplication des canaux de contact synchrones qui exigent une réactivité maximale et des compétences qui n’étaient pas nécessaires au téléphone, comme l’aisance à l’écrit. Le niveau de qualification s’en voit augmenté et les tâches se diversifient. “Sur beaucoup de nos plateaux, nous injectons de nouvelles compétences”, remarque Vincent Bernard, qui observe l’atout considérable qu’ont les “digital natives” familiers des nouveaux moyens de communication, mais “qui n’ont jamais de leur vie passé un coup de fil à un service client”. Les employeurs doivent toutefois s’adapter à cette nouvelle génération en offrant à ces “millénials” plus de souplesse et de flexibilité, mais en leur rappelant davantage qu’à leurs aînés les valeurs à respecter.

Repenser les organisations

“Je vois le service client comme un investissement et non comme un coût”, dit Jacques-Antoine Granjon, président de Vente-privée. D’ailleurs, “le Prix de l’Excellence client a apporté la preuve que les entreprises qui prennent soin de leurs clients obtiennent des résultats économiques supérieurs”, souligne Thierry Spencer.

Critère de comparaison pour les consommateurs et de différenciation pour les marques, l’expérience client a d’autant plus d’impact qu’elle se partage désormais à loisir sur les réseaux sociaux. “Un client satisfait en parle à deux personnes, un client insatisfait en parle à 10”, souligne Christian Barbaray, auteur de ‘Satisfaction, fidélité et expérience client’. À l’heure de l’avènement des réseaux sociaux, on voit l’enjeu que représente la satisfaction client pour les marques. “On est passé du One to one au One to many”, remarque Vincent Bernard. Dans ce contexte, écouter “la voix du client” devient une vraie tendance dans les entreprises. “La plupart des entreprises qui réussissent ont des C-Level [cadres supérieurs, ndlr] chargés de partager la voix des clients en interne et de définir une stratégie omnicanale. Les expériences physiques vont donc de pair avec les expériences numériques”, remarque Marcos Gallego. “Le client n’est pas la propriété d’un service, c’est l’affaire de tous”, estime quant à lui Antoine Coubray, directeur du développement de Custup. Quand la “chaise du client” s’invite dans les comités de direction, le marketing gagne soudain en importance au sein des organisations. À condition bien sûr qu’il soit digital. “Autrefois, les organisations confinaient le marketing, la relation client et le commerce dans des silos. L’irruption du digital oblige toutes ces directions à travailler ensemble, en embarquant parfois aussi le DSI”, note Vincent Bernard.

Quant au choix des technologies, si la tentation technophile existe bel et bien, “la technologie est seulement au service du besoin”, martèle Antoine Coubray. Et le besoin est résolument de bichonner le client, de fabriquer avec lui une relation en phase avec ses attentes et non calquée sur des modèles. Et si la révolution digitale était le moment de repenser – voire de faire voler en éclats – les organisations ?

Du self care à la téléphonie automatique

Plus connecté, le consommateur est aussi plus débrouillard et enclin à rechercher par lui-même la solution avant de solliciter un service de relation client. Les outils de self care correspondent bien à cette quête croissante d’autonomie. Très tendances, les ChatBots s’avèrent efficaces pour répondre à des demandes à faible valeur ajoutée. Toutefois, certaines demandes ne peuvent se passer d’une intervention humaine. “La technologie donne de plus en plus d’autonomie à l’utilisateur pour qu’il appelle le service client uniquement s’il n’arrive pas à résoudre le problème seul”, explique Thibault de Clisson, CEO de Knowesia. La société Knowesia propose un logiciel collaboratif qui permet de modéliser des procédures métiers sous forme d’arbres de décision. Le logiciel fonctionne sur le principe des mind maps : les conseillers sont guidés pas à pas pour répondre aux questions de leurs interlocuteurs mais la relation humaine ne disparaît pas. De plus, ces arbres de décision sont élaborés intégralement par les experts métiers, et non par des experts informatiques peu au fait de l’importance de l’expérience client. Bruno Heude, responsable de la relation client chez Canal Plus Overseas, explique l’intérêt de la solution Assistance Plus développée avec Knowesia : “grâce à des arbres de résolution, les téléconseillers répondent aux demandes techniques des clients alors qu’ils ne sont pas techniciens. Le brief qu’ils déroulent leur permet d’avoir un discours fluide”. Direct Energie a aussi opté pour ces arbres de décision intelligents : “Ce sont des aides à la conversation et à la compréhension du client, plus que des briefs à respecter à la ligne”, précise Cédric Belloir, directeur de la relation client.

En dépit de la digitalisation, le téléphone n’est donc pas mort. Afin de toucher plus efficacement les consommateurs, l’opérateur Manifone a développé une solution de marketing direct basée sur le dépôt de messages vocaux sur la boîte vocale des utilisateurs. “Le canal voix est plus chaleureux. Laisser un message vocal est plus efficace que d’appeler un client et de risquer de le déranger. Le client est libre de rappeler s’il le souhaite”, explique Chakib Abi Ayad, directeur commercial de Manifone. Ces messages vocaux peuvent être laissés individuellement ou envoyés depuis un CRM de façon automatisée en intégrant la téléphonie sur les scripts de campagne. “La téléphonie se digitalise. Elle se pilote comme l’e-mail ou le tchat”, remarque Chakib Abi Ayad. La digital n’aurait donc pas sonné le glas du téléphone. Chat, téléphone, chatbot, e-mail, SMS… Une relation client efficace serait juste affaire de dosage.

16 % d’utilisateurs de plus en self-service dans les centres de contact en 2016.
35 % utilisent plus de 4 canaux pour contacter le service client.
51 % des clients préfèrent utiliser le canal voix pour résoudre les demandes complexes.
36 % des clients quittent une marque car ils estiment que l’interlocuteur ne dispose pas du niveau de connaissance suffisant pour répondre à leur demande.

Source : étude Relation client Genesys 2016

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