Financer la création de sa société en franchise

L’accès au financement est devenu tendu, y compris pour les futurs franchisés. Mais un dossier bien ficelé peut faire sauter bien des verrous.

Le nouvel Economiste Le nouvel Economiste | Publié le 5 novembre 2018
Financer la création de sa société en franchise

Pour financer la création de sa société    Définition Société :
Une société est une entité dotée d’une personnalité juridique. Elle est créée dans un but marchand. Elle est la propriété collective de ses actionnaires.
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en franchise, passer par la case crédit est presque inévitable. Si six franchisés sur dix estiment que le fait d’être franchisé joue en leur faveur pour l’octroi de leur crédit, du côté des franchiseurs, le sentiment n’est pas le même : un sur sept déclare que le manque d’accès à des financements reste le premier frein au développement de leur réseau. Les réglementations bancaires ont contraint les institutions traditionnelles à se montrer de plus en plus frileuses. Les banques s’engagent plus difficilement, réclamant d’importantes cautions personnelles.


par Charlotte de SaintignonAnnonce légale dans Le nouvel Economiste

“Il y a des franchises pour toutes les bourses en fonction du secteur d’activité”, affirme Florence Soubeyran. La responsable commerce et franchise Banque Populaire chez BPCE distingue deux types de réseaux : les franchises de services requièrent des investissements moindres que celles de commerce. L’enveloppe d’investissement global peut ainsi aller de 80.000 à 1 million d’euros pour un format dans la restauration tels que Burger King, KFC ou Mc Do, ou au-delà dans l’hôtellerie.

Dans l’investissement global, les droits d’entrée – le droit d’utiliser le nom d’une enseigne    Définition Enseigne commerciale :
La loi du 29 décembre 1979 définie l’enseigne commerciale comme « toute inscription, forme ou image apposée sur un immeuble et relative à l’activité qui s’y exerce ».
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pendant une durée déterminée – se situent entre 10 et 100 K€, avec une moyenne autour de 20 K€, détaille Éric Luc, expert-comptable    Définition Expert-comptable :
L'activité principale de l'expert-comptable est le conseil aux entreprises. Au-delà de la comptabilité, il apporte son expertise en matière financière, fiscale ou juridique. L'expert-comptable joue aussi bien un rôle de contrôleur que de conseiller.
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spécialisé en franchise et membre du collège des experts de la Fédération française de la franchise. Attention ! Qui dit droits d’entrée bas, dit souvent contreparties, comme la formation initiale, le pack assistance au démarrage, ou le pack marketing ou communication, qui sont facturés en plus, prévient l’expert. Quand le franchisé paie zéro ou presque, “on peut s’interroger sur la valeur ajoutée que le réseau apporte au franchisé, et plus particulièrement sur le concept et sur la qualité du savoir-faire transmis”, met en garde Florence Soubeyran. Reste que le droit d’entrée n’est pas équivalent à une franchise clé en main : il ne représente qu’une infime partie du montant de l’investissement global du franchisé, ce dernier regroupant les dépenses nécessaires à la création : droit au bail ou fonds de commerce, travaux, aménagement, stock de départ, frais d’étude de marché/administratifs et de communication, redevance publicitaire, royalties, BFR…

Des taux d’intérêt de 1 et 2 %

Après avoir cherché pendant quatre ans le meilleur emplacement possible, Xavier Marez et sa compagne, franchisés du restaurant La Boucherie à Bellerive-sur-Allier en Auvergne, trouvent un emplacement N°1 en périphérie. “Il a fallu aménager tout le fonds de commerce. Le terrain était nu et les murs bruts.” Le couple a ainsi engagé un investissement global de 850 K€ en présentant 200K€ d’apport personnel et en empruntant 650 K€ à 1,6 % sur 7 ans. “Les taux oscillent entre 1 et 2 %”, selon Christian Einhorm, expert-comptable et trésorier de l’Iref. “Le fait d’avoir un bon emplacement en N°1, de nous lancer en franchise et d’être propriétaire en biens personnels pour garantir le prêt a joué en notre faveur”, reprend Xavier Marez. Si le créateur détient un “patrimoine personnel significatif, le financement bancaire pourra être encore plus grand”, confirme Éric Luc. Après une table ronde où il a réuni cinq banques différentes en même temps, Xavier Marez a reçu trois propositions. “Deux se sont même battues pour nous prêter les fonds nécessaires”, précise le franchisé.

Apport personnel significatif

C’est le montant de l’apport personnel qui détermine dans quelle catégorie le futur candidat va jouer. “Un créateur d’entreprise doit avoir les moyens de ses ambitions”, affirme Éric Luc. Au franchisé de bien jauger ce vers quoi il peut tendre en fonction de ses capacités financières, et de trouver le meilleur équilibre entre apport personnel et financement externe. “Plus le recours à l’emprunt est important en proportion, plus les mensualités de remboursement pèseront sur l’entreprise, assure Florence Soubeyran. C’est la rentabilité d’exploitation de l’entreprise qui va permettre le remboursement des mensualités de l’emprunt.”

Pour Xavier Marez, le remboursement de son emprunt est aujourd’hui facilement supportable : il représente 6 % de son CA, tout comme le loyer, lui aussi indexé sur son activité. “Cela ne représente pas grand-chose par rapport à la masse salariale – 17 salariés – et aux matières premières nécessaires pour faire tourner le restaurant.” Si l’on veut créer une structure pérenne, il faut assurer une certaine solidité et compter en moyenne sur 30 % d’apport personnel pour 70 % de financement bancaire.

“Les banques commencent à prendre au sérieux un projet lorsque l’on présente un apport significatif qui représente à minima le tiers de la somme à investir”

“Les banques commencent à prendre au sérieux un projet lorsque l’on présente un apport significatif qui représente à minima le tiers de la somme à investir”, signale Éric Lorho, concessionnaire Lippi, fabricant de portails, clôtures et aménagements extérieurs. Sachant que celui-ci devra être d’autant plus élevé dans les secteurs nécessitant peu d’investissements financiers, comme les franchises de services. “Dans ce cas, les banques réclament un apport personnel à hauteur de 50 % pour minimiser les risques.” En revanche, dans le secteur du commerce, les banques financent entre 70 et 80 % de l’investissement. “Les investissements matériels et tangibles qui sont plus importants dans les franchises de commerce sont plus aisément financés et peuvent être éligibles au crédit-bail, le nantissement du fonds de commerce sera systématiquement demandé en garantie du financement”, confirme Florence Soubeyran. Des garanties devenues indispensables à l’heure où les banques se montrent plus prudentes.

Pléthore d’aides au financement

Autre effet de levier : la contraction de prêts d’honneur. “Les banques accompagnent plus facilement les créateurs qui en ont sollicité un et ont réussi à convaincre un jury de professionnels”, affirme Éric Lorho, qui a lui-même bénéficié d’un prêt de 5.000 euros. Assimilé à de l’apport personnel, cela permet de le compléter. D’un montant variant entre 1.000 euros et 8.000 euros, le prêt à taux zéro et sans garantie Nacre s’étale sur 1 à 5 ans. Versée par Pôle emploi, l’aide à la reprise et à la création d’entreprise (Arce) permet de recevoir le versement des allocations-chômage sous la forme d’un capital. L’Accre, aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise, consiste en une exonération partielle de charges sociales pendant les 12 premiers mois d’activité.

“Les banques accompagnent plus facilement les créateurs qui en ont sollicité un et ont réussi à convaincre un jury de professionnels”

D’autres aides financières spécifiques peuvent être accordées par différents organismes, notamment pour les femmes ou les jeunes créateurs, les porteurs de projets en milieu rural, les handicapés, les innovateurs… Selon les régions, il est également possible d’obtenir des aides financières régionales sous forme de prêts aidés, prêts bonifiés et avances, garanties pour les prêts bancaires, etc.

Faire évoluer le montage financier

Ces prêts sont octroyés à titre personnel, tout comme les prêts bancaires, accordés à titre individuel. “Les banques financent avant tout des dossiers sur les qualités du candidat”, indique Michel Kahn, président de l’Iref. D’où la nécessité de bien se projeter en tant que chef d’entreprise et de se présenter avec son expert-comptable pour expliquer le business plan. En amont, le franchisé a intérêt à utiliser les ratios types transmis par le franchiseur, l’interroger pour réaliser le prévisionnel d’activités et aller à la rencontre d’autres franchisés. “Avec l’expert-comptable, en s’appuyant sur l’étude du marché local, nous avons beaucoup travaillé le business plan pour pouvoir présenter quelque chose de cohérent en termes de CA et de rentabilité sur trois ans. L’objectif était de pouvoir tenir sans rentrées d’argent pendant les six premiers mois”, détaille Éric Lorho.

“D’où la nécessité de bien se projeter en tant que chef d’entreprise et de se présenter avec son expert-comptable pour expliquer le business plan”

Reste que pour réussir à convaincre les banques, il faut se montrer souple dans sa démarche et accepter de faire évoluer le financement. “Le franchisé doit être à l’écoute et ne pas être figé sur son montage financier, car chaque banque peut en proposer un différent”, indique Michel Kahn. C’est au départ qu’il doit également intégrer l’ingénierie foncière : “le droit au bail est très coûteux en France. Il est parfois plus intéressant d’acheter les murs que de payer un loyer à fonds perdus”, estime l’expert. Xavier Marez regrette d’ailleurs de ne pas avoir acheté les murs de son restaurant : “au moment de la contraction de notre emprunt, on ne s’est pas porté acquéreur car cela aurait doublé l’investissement de départ, qui aurait alors dépassé le 1,5 million d’euros. C’est une erreur car avec le recul, on se rend compte que l’on aurait pu financer nos murs avec notre activité”.

Financer le BFR

D’autant plus que Xavier Marez et sa compagne ont connu des débuts fulgurants, avec un CA de 1,2 million d’euros sur les 8 premiers mois. “Au démarrage, nous avons été sur le podium des restaurants La Boucherie”, se souvient Xavier Marez. Une chance lorsque l’on sait qu’“un chef d’entreprise met entre 4 et 18 mois avant de pouvoir se rémunérer”, soutient Éric Luc. En attendant, il faut financer le besoin en fonds de roulement, nécessaire pour payer les charges courantes de l’entreprise. Pour Michel Kahn, c’est le manque de BFR qui entraîne la plupart des échecs : “il faut avoir suffisamment de cash pour faire face aux imprévus”.

“Différent d’un secteur d’activité à l’autre, il faut regarder le BFR normatif de son secteur pour bien le calculer, optimiser la date d’ouverture de son exploitation ”

Différent d’un secteur d’activité à l’autre, il faut regarder le BFR normatif de son secteur pour bien le calculer, optimiser la date d’ouverture de son exploitation et savoir comment le chef d’entreprise va vivre pendant la phase d’amorçage de l’entreprise. In fine, celui-ci représente environ 20 % de l’apport personnel en plus. Pour Xavier Marez comme pour Éric Lorho, le financement du BFR n’a pas été problématique, le premier se faisant payer comptant avec des délais à 90 jours pour payer ses fournisseurs, le deuxième ayant choisi de démarrer avec zéro stock : “Lippi est capable de nous répondre sous une ou trois semaines maximum. Des délais très courts par rapport au marché.” Pour soulager le BFR, Florence Soubeyran conseille de demander un financement relais de la TVA. Ce financement à court terme permet d’avoir une avance de trésorerie pour financer la TVA payée sur les premiers investissements. C’est ce qu’a fait Éric Lorho en contractant, en plus de son emprunt bancaire, un prêt sur six mois. Sans cela, il aurait été obligé d’augmenter le montant initial du prêt ou d’étaler les dépenses de ses immobilisations.

L’option financement participatif comme levier

Pour pallier les difficultés à contracter des prêts bancaires ou le manque d’apport personnel, les futurs franchisés peuvent se tourner vers le prêt participatif. Ce d’autant plus lorsqu’il s’agit de financer des investissements immatériels nécessaires pour développer un réseau de franchise. Depuis 2014, les particuliers peuvent ainsi prêter directement de l’argent à des entreprises, contre des intérêts financiers, via les plateformes de financement participatif.

Concrètement, les conditions sont très souples puisque le prêt ne nécessite ni caution ni garantie. Seule la capacité effective de remboursement entre en ligne de compte. Même si les analystes financiers s’attachent plus ou moins aux mêmes critères de sélection qu’une banque. Au franchisé de déposer un dossier de financement auprès d’une plateforme. Une fois le dossier validé, une durée de crédit et un taux sont déterminés. Il est vrai que le taux est alors plus élevé que dans les circuits classiques – trois à quatre fois, selon Éric Luc, expert-comptable – car ce sont les particuliers qui supportent la totalité du risque. En revanche, contrairement aux délais bancaires qui peuvent être très longs, ici les délais sont plus courts : passés les quelques jours de prise de décision des plateformes, l’entreprise doit collecter les fonds dans un temps imparti, qui se situe en général entre 1, 10 ou 30 jours à compter de l’ouverture de la collecte.

Au-delà de l’opération financière, réaliser une campagne de crowdfunding permet également de faire la promotion de son activité et de mobiliser des clients potentiels. Une véritable “opération de communication” qui profite à l’ensemble du réseau de franchise. In fine, même si les montants collectés ne sont pas aussi importants qu’avec un prêt bancaire classique, le crowdfunding peut jouer un premier effet de levier pour le créateur ou compléter un apport personnel insuffisant.

Michel Kahn
président de l’Iref, organisateur des 31e Trophées de l’Iref*

Qu’est-ce que l’Iref ?
C’est la fédération transversale du commerce organisé indépendant. Elle fédère toutes formes de commerce organisé indépendant, que ce soit des réseaux sous forme de licence de marque, des commissions-affiliations, des coopératives, partenariats, concessions ou franchises. En 1987, la fédération a créé le concours des Trophées de l’Iref, trophées de la franchise et du partenariat, avec le soutien et le patronage du ministère du Commerce et de l’Artisanat de l’époque. L’idée était de mettre en valeur les enseignes qui réussissent à travers leurs meilleurs franchisés. Ce sont les enseignes elles-mêmes qui présentent leurs meilleurs candidats.

Quels prix sont remis lors des trophées de l’Iref ?
Lors de la 31e édition de ce concours du monde du commerce organisé indépendant, 62 prix, décernés par un jury de 20 personnalités du monde économique et présidé par le président de CCI    Définition Chambre de Commerce et d'Industrie (CCI) :
La Chambre de Commerce et d'Industrie ou CCI est un établissement public destiné à représenter les intérêts des entreprises de types industriel, commercial ou de services. Elle exerce ses missions au travers d'un réseau de chambres régionales et locales.
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France, sont remis à des affiliés ainsi qu’à des têtes de réseau. Parmi les prix, on peut citer les meilleurs espoirs de la franchise et du partenariat pour des graines de réseaux et enseignes émergentes, les meilleurs franchisés et partenaires, les mentions spéciales telles que l’implication RSE, la dimension européenne, le développement du commerce de proximité, la performance économique… ; les ambassadeurs du réseau ; les lauréats de la décennie ; la catégorie des grands prix de l’innovation, de la performance artisanale, gestion, rentabilité économique, satisfaction client, lien social, marketing responsable, reconversion professionnelle, implication territoriale ou commerciale… ; des prix internationaux ; les grands prix spéciaux du jury pour des personnalités ; et le grand prix Jean-Paul Clément.

Comment les franchisés se lancent-ils dans la franchise en 2018 ?
C’est devenu de plus en plus compliqué de se faire financer. Le système bancaire ouvre davantage un chapiteau de cirque qu’un parapluie, dans le sens où il ne prend plus de risques. Si les banques agréent les têtes de réseau, ce n’est pas pour autant que les franchisés sont sûrs d’avoir leur crédit. Un nouveau partenaire du réseau Croque Bedaine – un concept prometteur entre restauration et brasserie –, qui cherche à s’installer à Brignoles dans le Var, a essuyé cinq refus bancaires. Pourtant, le potentiel du réseau est immense et le franchisé avait 30 % d’apport personnel. Mais les banques se montrent frileuses car c’est une jeune enseigne qu’elles ne connaissent pas. Elles ne sont pourtant pas assez au point pour apprécier les concepts des différents réseaux. Outre les prêts bancaires, j’ai recensé près de 6.000 aides et subventions sur le territoire national. Or 95 % de cet argent n’est pas utilisé. Obtenir une aide reste un parcours du combattant car toutes manquent de visibilité et de clarté.

*Les 31e Trophées de l’Iref
5 novembre 2018, Automobile Club de France à Paris

75 % des franchisés ont recours à leurs ressources propres
68 % ont recours à l’emprunt classique
81 % n’a pas effectué de démarches pour obtenir une aide au financement de l’installation
≤200 KE : montant global de l’investissement pour la création pour 80 % des franchisés ≤100 KE pour 44 % d’entre eux

Source : Enquête FFF/Banque Populaire

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