L’entreprise par Emmanuel Macron

Les 16 mesures qui vont radicalement transformer l’entreprise.

Le nouvel Economiste Le nouvel Economiste | Publié le 26 juin 2017
L'entreprise par Emmanuel Macron

Dynamiter les rigidités obsolètes entravant la marche des entreprises… En une série de mesures plus ou moins disruptives, Emmanuel Macron veut régénérer ces machines à créer des emplois en jouant principalement sur le nouveau ressort de la flex-sécurité. Libérer les potentialités en augmentant la flexibilité tout en généralisant un certain nombre de filets de sécurité – formation, assurance chômage, retraites -. Ces belles intentions passent par la voie étroite du dialogue social. Au sommet de l’État avant d’être décentralisé, sur le terrain, dans les entreprises. L’accord global de la plus importante syndicale du privé – la CFDT – est l’un des préalables crucial à ce nouveau type de partenariat "à la scandinave". Modèle le plus avancé. L’entreprise dont les enjeux sont essentiels est bien risquée.


par Patrick Arnoux pour
Annonce légale dans Le nouvel Economiste

Ainsi, les promesses politiques vont donc muter dans les semaines qui viennent en réformes économiques. Au cœur du réacteur de ces transformations, l’entreprise. Voilà en effet des années qu’Emmanuel Macron multiplie les signaux “business friendly”. En 2015, comme ministre de l’Économie, il a l’éloquence affective face aux patrons réunis pour l’université d’été du Medef. “Vous avez l’amour, et vous avez les preuves d’amour.” Puis comme initiateur de sa loi éponyme, il prouve sa volonté de réformer l’entreprise.

“Voilà en effet des années qu’Emmanuel Macron multiplie les signaux “business friendly””

Depuis, en 2016, le candidat a délivré de nombreux gages de son engagement “pro business” dans un programme macro-économique donnant de la cohérence à la transformation de la micro-économie, celle de l’entreprise. Un ensemble de mesures globales et cohérentes, souvent disruptives, étayent son ambition, en démontrant bien que c’est la compétitivité de l’entreprise qui est la grande solution au cauchemar du chômage.

Plus de 16 mesures au programme. Des améliorations largement souhaitées cohabitent avec des points durs délicats, des bénéfices attendus avec quelques obstacles à surmonter. Autant de leviers puissants – fiscalité, protection sociale, management – qui devraient provoquer, à terme, une transformation radicale de ces organisations.

Les objectifs sont multiples et quasi sociétaux : casser cette fameuse défiance qui bloque le fonctionnement des entreprises, y introduire plus de flexibilité, davantage de pratiques plus opérationnelles. Mais aussi purement économiques, en réduisant les coûts. “La France connaît une dégradation forte de son économie, elle souffre d’une grande incohérence entre sa production industrielle et ses services, au coût allemand, alors que son niveau de qualité, la sophistication de la production est au niveau espagnol, 20 % moins cher” résume l’économiste Patrick Artus.

Sous-équipées en compétences de bon niveau – nous sommes lanterne rouge du classement Pisa – comme en robots, c’est donc par la réduction des coûts, la formation et l’investissement que passe le rétablissement de la situation des entreprises aux marges laminées. Mais la fameuse “flex-sécurité”, afin que ces structures soient plus agiles et réactives, doit également contribuer à relancer la machine à créer de l’emploi.

“Sous-équipées en compétences de bon niveau comme en robots, c’est donc par la réduction des coûts, la formation et l’investissement que passe le rétablissement de la situation des entreprises”

Une fois surmontée la phase parlementaire, la réussite de ce pari tiendra à un art : celui de l’exécution dans la concertation avec les partenaires sociaux. Afin que soit finalisé ce nouveau dictionnaire des DRH, directeurs administratifs et financiers, directeurs généraux et salariés.

A comme Assurance chômage
Elle devient universelle : entrepreneurs, commerçants et indépendants pourront en profiter. Les salariés démissionnaires aussi. Adieu donc la gestion paritaire de l’Unédic, remplacée par un nouveau service public universel. Cette protection inédite des risques liés à l’emploi ne sera pas financée par des charges sociales mais par une augmentation de la CSG de 1,7 %.

A comme Augmentation du pouvoir d’achat des salariés
La suppression des cotisations maladie et chômage représentera 500 euros par an pour un salarié gagnant 2 200 euros et un 13e mois pour les smicards. (Risque : que ce surcroît de consommation finance les importations, en creusant encore davantage le déficit commercial.)

C comme Charges sociales
La suppression prévue des charges sur le Smic représente une économie de plus de 1 800 euros par an et par salarié. Cette mesure, qui va remplacer le CICE, représente 10 points de charges patronales en moins ainsi que la suppression des cotisations maladie et des cotisations chômage pour les salariés. Elle sera financée par 1,7 point supplémentaire de CSG. En outre, les charges sociales seront supprimées la première année pour les autoentrepreneurs.

“La suppression prévue des charges sur le Smic représente 10 points de charges patronales en moins”

Tous les artisans et commerçants pourront opter ou non, selon leurs besoins, pour ce régime fiscal de la micro-entreprise, dont le plafond sera doublé. Actuellement, il est de 33 100 euros pour les activités de services relevant des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) et les professionnels libéraux relevant des bénéfices non commerciaux (BNC). (Risque : que cet allégement ravive la polémique sur la concurrence déloyale lancée par les artisans et autres professionnels assujettis aux charges.)

C comme Conseil d’administration
Des incitations à une meilleure représentation des salariés dans les conseils seront mises en place. (Aucun quota n’est actuellement prévu et la mesure, au niveau des intentions, demeure encore floue.)

D comme Droit à l’erreur pour les entreprises
Celle qui commet une erreur de bonne foi ne sera pas sanctionnée la première fois. Un véritable changement de paradigme prévu pour le fonctionnement de l’administration et pour ses agents, dont la mission devra muter de la sanction au conseil. Cela suppose une certaine culture du service que le public devra apprendre du privé afin de gérer au mieux ces administrés.

D comme Dialogue social au plus près du terrain
Décentralisée, la primauté sera donnée aux accords d’entreprise sur les accords de branche. On passe ainsi du dogmatique au pragmatique. Le renouvellement du dialogue social doit passer par une meilleure reconnaissance par les employeurs du rôle des syndicats, et simultanément par l’engagement d’une profonde mutation de ceux-ci pour qu’ils soient davantage en phase avec les attentes des salariés. Ainsi, tout accord d’entreprise résultera soit d’un accord majoritaire avec les syndicats, soit d’un référendum à l’initiative de l’employeur ou des syndicats sur la base d’un accord minoritaire.

“On passe du dogmatique au pragmatique”

C’est seulement à défaut d’accord d’entreprise que la branche interviendra. Une démarche volontariste sera engagée pour réduire fortement le nombre de branches (50 à 100). En outre, dans chaque entreprise, une instance unique de représentation reprenant l’ensemble des attributions des comités d’entreprise, délégués du personnel et CHSCT, serait mise en place.

F comme Flex-sécurité
La quête de cette nouvelle agilité, concrétisée par le concept de “flex-sécurité”, passe par une combinatoire des deux éléments parfois antagonistes : la flexibilité, certes, mais à condition que les filets de sécurité en limitent les risques. Un véritable donnant-donnant. Davantage de “respiration” permettant la prise de risque, à condition qu’un certain nombre de dispositifs bien conçus en limitent les conséquences. Ce sera l’un des enjeux clés, épineux, voire conflictuel, dans le dialogue-négociation avec les partenaires sociaux. Certains – comme la CFDT – sont plus que d’autres favorables à cette évolution.

F comme Fiscalité allégée
L’impôt sur les sociétés    Définition Société :
Une société est une entité dotée d’une personnalité juridique. Elle est créée dans un but marchand. Elle est la propriété collective de ses actionnaires.
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– 33,33 % actuellement – va passer à 25 %, soit la moyenne européenne. C’est l’un des leviers clés de l’attractivité pour les investissements des groupes multinationaux. Un signal fort envoyé à ces 30 000 groupes mondiaux qui réalisent les deux tiers des échanges internationaux et un tiers du PIB mondial.

F comme Formation professionnelle
Le compte personnel de formation, qui garantit à chaque actif des heures de formation toute sa vie, devient le grand outil de ce changement. Financé par la totalité de la contribution de l’employeur (1 % des salaires), il va court-circuiter de nombreux organismes paritaires puisque les salariés pourront directement traiter avec les organismes de formation, y compris pour des formations non certifiantes délivrées par des organismes labellisés.

H comme Horaires souples de travail
Moduler la durée légale du travail, aujourd’hui 35 heures, en fonction des accords d’entreprise, éventuellement en prenant en compte l’âge des salariés grâce à des accords négociés par les branches professionnelles.

I comme orientation de l’épargne vers l’Investissement productif
La fiscalité sur le capital sera réduite et simplifiée pour favoriser l’investissement dans les entreprises. Un prélèvement forfaitaire unique (PFU) de l’ordre de 30 % sera appliqué à l’ensemble des revenus tirés du capital mobilier (intérêts, dividendes, plus-values mobilières etc.). Un Fonds pour l’industrie et l’innovation sera doté de 10 milliards d’euros issus des actions d’entreprises possédées de manière minoritaire par l’État, et sera placé au service de notre industrie et de l’innovation.

N comme inversion de la hiérarchie des Normes
L’objectif est simplissime : donner davantage de place et d’importance aux accords signés dans l’entreprise ou la branche qu’à ceux signés au niveau interprofessionnel et national. Une façon de revisiter le Code du travail en l’allégeant d’un certain nombre de contraintes, dans la logique d’un approfondissement de la loi El Khomri. Le passage rapide par les ordonnances de ce texte dépend toutefois de la future majorité à l’Assemblée et de l’accord global passé avec la CFDT. Sinon, une bonne partie des 50 % d’électeurs ayant manifesté leur colère au 1er tour pourraient utiliser la rue pour la réitérer.

P comme plafonnement des indemnités des Prud’hommes
Un plafond et un plancher vont borner les indemnités versées par les entreprises pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse (hormis les cas de discrimination, de harcèlement, etc.).

“Un plafond et un plancher vont borner les indemnités (hormis les cas de discrimination, de harcèlement, etc.)”

Si ce plancher doit protéger les droits des salariés, le plafond donnera en revanche aux entreprises une visibilité et une assurance qui permettront de lever les freins à l’embauche en CDI.

R comme généralisation des systèmes de Retraite par points
Les 33 caisses actuelles, les régimes si différents, seront fusionnés en un ensemble commun adoptant le principe d’une prestation unique à cotisation comparable. Pour un euro versé, la pension sera partout équivalente. Mais techniquement, “la mise en place des retraites par point sera un exercice très compliqué” prévoit en expert l’économiste Jean-Hervé Lorenzi.

R comme suppression du RSI
Adossement au régime général de la Sécurité social, afin que tous bénéficient de la même qualité de services et des mêmes droits. Ce qui mettra un terme à la gestion calamiteuse de cet organisme ayant la responsabilité de la gestion des prestations sociales des professions libérales, indépendants et commerçants, maintes fois dénoncée par la Cour des comptes, (frais de gestion, organisation, stratégie).

R comme Responsabilité sociale
Adoption d’une approche globale de la RSE avec le regroupement des informations financières et extra-financières dans un rapport stratégique annuel, engageant le management sur les enjeux RSE essentiels de l’entreprise.

S comme Scandinave
La boussole de la protection sociale est nettement d’inspiration scandinave. Sa direction indique, c’est vraiment nouveau, un système simple, lisible et cohérent. D’où cette recherche d’universalité qui est la marque de la réforme du système de retraite – les 33 caisses se métamorphosent en un unique organisme – comme de celui de l’assurance chômage. Pôle emploi et l’Unédic faisant place à un vaste service public universel couvrant les risques des salariés, certes, mais aussi des entrepreneurs, artisans, commerçants, etc.

S comme loi de Simplification des normes administratives imposées aux entreprises
Votée au cours de l’été prochain, elle prévoit de ne plus rajouter de normes sans en supprimer d’autres en nombre équivalent.

“Par-delà ce patchwork fait de petites touches impressionnistes, transparaît nettement une volonté globale de changer la donne, de transformer l’état d’esprit quasi culturel dans les entreprises”

Par-delà ce patchwork fait de petites touches impressionnistes, transparaît nettement une volonté globale de changer la donne, de transformer l’état d’esprit quasi culturel dans les entreprises. L’adhésion à ce nouveau monde suppose aussi un changement de mentalité du côté des partenaires sociaux. Elle va mettre à l’épreuve une stratégie empirique, pragmatique largement dépendante d’un art de la négociation et de la concertation.

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