Le financement participatif pour PME, le financement d’appoint

Le champ d’activité du financement participatif s’élargit au prêt et à l’investissement. Une bonne nouvelle pour les PME et les investisseurs

Le nouvel Economiste Le nouvel Economiste | Publié le 21 juin 2018
Le financement participatif pour PME, le financement d’appoint

Après la réforme de 2014 qui donnait un cadre légal au financement participatif, voici celle du 31 octobre 2016 qui augmente les seuils de dons et d’investissements en capital, rendant donc le recours au “crowdfunding”, ou financement participatif, plus aisé. La pratique des dons, avec ou sans contrepartie, qui a fait le succès de ce mode de financement alternatif est toujours en vogue, mais ce sont désormais le prêt et le capital qui attirent des investisseurs qui misent de plus en plus gros. Sans concurrencer pour autant celui fourni par les banques, cette manne vient souvent renforcer des PME qui désirent se développer.


par Fabien HumbertAnnonce légale dans Le nouvel Economiste

Le financement participatif se porte bien. Selon Financement Participatif France, en 2015, 167 millions d’euros ont été collectés par les différentes plateformes, alors que 336 millions l’ont été en 2017. Et 2018 devrait continuer de suivre cette tendance, d’autant que depuis le 31 octobre 2016, une importante réforme en a élargi le champ d’action et précisé les règles. Rappelons que sous la dénomination de financement participatif, ou crowdfunding, on trouve en fait plusieurs métiers qui recouvrent les dons, les prêts et l’investissement. “La plupart des acteurs sont spécialisés dans l’une ou l’autre des techniques, mais les choses sont en train de changer”, explique Vincent Ricordeau, le co-fondateur de KissKissBankBank & co (KissKissBankBank, Hellomerci & Lendopolis). D’abord vient donc le don sans contrepartie, qui fait appel à la générosité des donateurs pour financer des projets, parfois commerciaux, sans que ceux-ci n’en attendent le moindre retour. Mais le don peut aussi se faire avec contrepartie. Par exemple lorsque des particuliers avancent de l’argent sur Winefunding, ils reçoivent des contreparties sous la forme de bouteilles de vin pendant plusieurs années. “Il s’agit en quelque sorte d’un achat avec livraisons échelonnées, explique Maxime Debure, le fondateur de la plateforme. La personne donne 500 euros, et recevra pour 200 euros de vin chaque année pendant trois ans, soit un bénéfice d’une valeur de 100 euros en bouteilles de vin.” Nous restons donc dans le domaine de la générosité et du soutien à un projet, mais le retour sur investissement commence à pointer le bout de son nez. Si les dons restent l’option la mieux connue du grand public, le prêt et l’investissement sont en plein essor. Un dynamisme qui contribue, bien qu’encore à un niveau modeste, à financer l’économie française et ses entreprises.

L’envol des mini-bons

Les plateformes dévolues exclusivement aux dons n’ont pas été touchées par la réforme d’octobre 2016. L’investissement et les prêts sont en effet les deux composantes du financement participatif qui ont fait l’objet de l’attention du législateur. Rappelons que la réforme fondatrice de 2014 avait commencé par mettre de l’ordre dans ce secteur assez récent en créant le statut d’intermédiaire en fonds participatif (IFP), mais surtout avait cassé le monopole des banques en permettant à ces derniers de prêter de l’argent et d’entrer au capital d’entreprises contre rémunération.

“La réforme fondatrice de 2014 avait créé le statut d’intermédiaire en fonds participatif (IFP), mais surtout avait cassé le monopole des banques en permettant à ces derniers de prêter de l’argent et d’entrer au capital d’entreprises contre rémunération”

La réforme de 2016 a quant à elle relevé les seuils des sommes d’argent que les prêteurs peuvent investir dans les prêts participatifs, via les IFP. Ils passent de 1.000 à 2.000 euros pour les prêts rémunérés, et de 4.000 à 5.000 euros pour ceux non rémunérés. La réforme donne aussi un cadre aux "mini-bons", une mesure annoncée par Emmanuel Macron lorsque celui-ci était encore ministre de l’Économie, au moment des Assises du financement participatif en décembre 2014. Il s’agit d’une forme d’obligation un peu simplifiée, plus facile à mettre en œuvre, dont plafond applicable, qui était limité à un million d’euros, est désormais fixé à 2,5 millions d’euros sur une période de 12 mois ; la périodicité des échéances de remboursement ne pourra par ailleurs pas dépasser le trimestre.

Ouverture au capital

Depuis 2014, les investisseurs qui passent par des plateformes de fonds participatifs peuvent aussi entrer au capital d’entreprises. Et là encore, les choses leur ont été rendues plus faciles par la réforme de 2016. Dans le cadre de l’investissement en capital proposé par les plateformes inscrites en tant que conseillers en investissements participatifs (CIP), les porteurs de projet peuvent désormais lever jusqu’à 2,5 millions d’euros, contre 1 million d’euros auparavant. “Un deuxième agrément, dit de ‘prestataire de services d’investissement’, permet quant à lui d’aller jusqu’à 5 millions d’euros, ce qui est notre cas, révèle Jean-Emmanuel Vernay, le directeur général de Pre-Ipo.com. Mais pour le moment, très peu d’entreprises lèvent plus d’un million d’euros, même si ça monte en puissance progressivement.”

“Dans le cadre de l’investissement en capital proposé par les plateformes inscrites en tant que conseillers en investissement participatifs (CIP), les porteurs de projet peuvent désormais lever jusqu’à 2,5 millions d’euros, contre 1 million d’euros auparavant”

De plus, les titres financiers que ces plateformes peuvent proposer aux investisseurs ont été diversifiés et on y trouve désormais des actions de préférence, des obligations convertibles et, sous certaines conditions, des titres participatifs. “Jusqu’ici, nous étions limités aux actions simples et aux obligations à taux fixe, ce qui n’était aisé à manier pour des acteurs de la nouvelle économie comme les IFP”, précise Jean-Emmanuel Vernay. Pour les IFP, cette réforme est donc une véritable aubaine, car elle va par exemple permettre à des acteurs qui s’étaient jusqu’à présent spécialisés dans le don et le prêt à se lancer dans l’investissement. Ce sera par exemple le cas de KissKissBankBank, acteur historique du don et du prêt avec 70 millions d’euros de collecte depuis 2009, qui va permettre à sa communauté de devenir actionnaire d’entreprises à la fin du premier semestre 2017.

Au bonheur des PME

Finalement, à part les acteurs du financement participatif, qui va bénéficier de cette réforme ? Les entreprises bien sûr ! “Nous prêtons à des entreprises qui vont de 3 à 2.000 salariés, pour un montant d’emprunt de 30.000 à 2 millions d’euros, explique Olivier Goy, fondateur de Lendix. Le minimum de chiffre d’affaires des entreprises auxquelles nous prêtons est de 400.000 euros, et il faut qu’elles soient rentables, ce qui exclut par définition les start-up.” Cette possibilité donnée à des particuliers et des investisseurs institutionnels de prêter de l’argent aux entreprises ne devrait cependant pas faire d’ombre aux banques. “Il faut rester modeste, nous avons prêté 50 millions d’euros, sur un marché du financement bancaire qui en fait 80 milliards. Ce n’est pas une concurrence frontale, confirme Olivier Goy. Les entreprises que nous finançons font le plus souvent appel aux banques, mais ont, à un moment donné, des besoins qui ne correspondent pas à ce que les banques savent faire. À terme, ces besoins représenteront sans doute 10 à 15 % du marché.” Même son de cloche chez KissKissBankBank, où Vincent Ricordeau confie que “sur notre plateforme Lendopolis, 75 % des projets sont dans une logique de cofinancement, que ce soit en complément d’un financement bancaire ou pour déclencher les financements traditionnels”. Chez Pre-Ipo, spécialiste de l’investissement en capital, ce sont là aussi les PME qui sont préférées aux start-up. “Nous choisissons des dossiers à fort potentiel, moins risqués que des start-up pures, qui ont le profil pour aller en bourse et qui ont cet objectif dans leur feuille de route stratégique ; mais notre critère de sélection principal, c’est l’innovation, explique Jean-Emmanuel Vernay. Après l’introduction en bourse, les actionnaires historiques sont cependant bloqués pendant plusieurs mois pour éviter qu’il y ait un afflux massif de titres qui fasse baisser les prix.”

“Nous choisissons des dossiers à fort potentiel, moins risqués que des start-up pures, qui ont le profil pour aller en bourse et qui ont cet objectif dans leur feuille de route stratégique ; mais notre critère de sélection principal, c’est l’innovation”

Cette réforme de 2016 va donc permettre au secteur du financement participatif de se développer encore, après la libéralisation qu’il avait connu en 2014. “Cela permettra de financer des projets plus conséquents et de proposer d’autres modèles de financement, notamment avec les mini-bons. L’impact va être très intéressant et se manifestera progressivement”, estime Maxime Debure, dont la plateforme Wine Funding s’adresse exclusivement au monde viticole, mais permet à la fois de faire des dons, de faire des prêts, et d’entrer au capital de domaines.

Cependant, certains acteurs du secteur restent sur leur faim. “La prochaine étape, c’est la fiscalité, lâche Vincent Ricordeau, qui fut un des principaux interlocuteurs de Fleur Pellerin, puis d’Emmanuel Macron, lors des négociations qui ont précédé la réforme. La France est le seul pays au monde où elle n’est pas un minimum avantageuse pour ceux qui investissent sur les plateformes de financement participatif.” Et le co-fondateur de KissKissBankBank & co de demander l’instauration d’un forfait de 10.000 ou 15.000 euros, sur lequel les investisseurs ne seraient pas taxés.

Gare aux arnaques au financement participatif

Le nombre de plateformes qui se réclament du financement participatif est en plein boom depuis 2014 et la réforme qui a donné ses lettres de noblesse au secteur. Qui dit accroissement rapide, dit aussi – souvent – arnaques. Comment faire pour se prémunir contre les mauvaises surprises ? “La première chose à faire est de vérifier que la plateforme est réellement agréée, en allant sur les sites des autorités de tutelle”, explique Olivier Goy, fondateur de Lendix. A priori, les différents acteurs doivent montrer patte blanche à une ou plusieurs autorités de tutelle pour avoir le droit d’exercer.

L’Orias, le registre des intermédiaires en assurance, banque et finance, donnera son agrément aux intermédiaires en financement participatif (IFP) et aux conseillers en financement participatifs (CIP). Ces derniers devant au préalable déposer un dossier à l’Autorité des marchés financiers (AMF). Mais ce n’est pas pour autant une assurance tout risque. Ainsi en 2016, le magazine ‘Capital’ a-t-il levé l’arnaque que représentait la plateforme Netfinancement.com, alors que cette dernière était dûment répertoriée par l’Orias en tant qu’IFP.

“Autre astuce pour vérifier la viabilité de la plateforme : faire un tour sur sa page ‘statistiques’, si celle-ci en possède une, et vérifier les montants qu’elle a déjà prêtés ainsi que le taux de défauts”, conseille Olivier Goy. Les autres conseils qu’on peut donner pour éviter les arnaques relèvent du bon sens. D’abord ne pas investir dans quelque chose qui paraît trop beau. Une plaquette qui vous promet des retours sur investissement faramineux en toute sécurité, comme un rendement garanti de 25 % sur 5 ans par exemple, doit être regardée avec suspicion. Et si vous recevez un appel, n’y donnez pas suite, car le démarchage téléphonique pour ce genre de produits financiers est interdit !

Les CSP+ quarantenaires séduits

Qui sont les clients des plateformes de financement participatif ? D’abord des gens simplement généreux, à savoir celles et ceux qui font des dons sans contrepartie ou des prêts gratuits, afin de financer des projets, souvent modestes et locaux. Les donateurs seront fréquemment des amis, des membres de la famille, bref du cercle restreint ou éloigné du porteur de projet. Pour ce qui est du don avec contrepartie, le plus souvent en nature, ce sont des gens qui s’intéressent au produit en question. Par exemple sur Wine Funding, ce seront des amateurs de vin qui en contrepartie de leur don, recevront des bouteilles du domaine qu’ils ont aidé. Les investisseurs recherchent, eux, des contreparties sonnantes et trébuchantes à leur prêt ou entrée au capital des entreprises. “Les 17.000 particuliers qui prêtent 20 à 1.000 euros par dossiers sur Lendix, sont plutôt des personnes de moins de 40 ans vivant en centre urbain, et plutôt diplômées, analyse Olivier Goy, fondateur de la plateforme de prêt participatif. La moyenne des prêts est de 200 euros, pour une durée comprise entre trois mois à 7 ans. Tous les mois, ils touchent le capital plus les intérêts.” À côté des particuliers, on trouve des institutionnels comme les assureurs, Aviva, AG2R, CNP, qui investissent des sommes plus importantes sur des plateformes comme Lendix. Au total, selon Financement Participatif France, ce ne sont pas moins de 2,3 millions de financeurs (en cumul), qui ont soutenu un projet sur une plateforme de financement participatif française depuis leur lancement. Que ce soit pour les dons, les prêts ou les investissements, c’est invariablement la tranche d’âge des 35-49 ans qui est la plus nombreuse à utiliser les services des plateformes de financement participatif. Et ce sont les plus nombreux, avec 39 %, à utiliser en particulier celles permettant d’investir dans les entreprises.

3,9 millions de Français ont déjà financé un projet en crowdfunding depuis le lancement des plateformes. La finance alternative a affiché une progression de 50 % entre 2016 et 2017.

Source : Financement participatif France

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