Gestion du poste client - Credit management, la culture cash

CGV, pré-relance, cession de factures : le cercle vertueux de la gestion du poste client

Le nouvel Economiste Le nouvel Economiste | Publié le 27 octobre 2017
Gestion du poste client - Credit management, la culture cash

Une faillite de TPE-PME sur quatre est liée à des retards de paiement, et près de deux sociétés    Définition Société :
Une société est une entité dotée d’une personnalité juridique. Elle est créée dans un but marchand. Elle est la propriété collective de ses actionnaires.
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sur trois règlent leurs fournisseurs en retard. Pour combattre ce problème récurrent, il est nécessaire d’adopter une politique efficace de “credit management”. Diagnostics rigoureux du risque client, logiciels de gestion qui simplifient et accélèrent la rentrée du cash, ou encore externalisation d’une partie ou de la totalité du poste client par des sociétés d’affacturage et de recouvrement… Des outils existent pour assurer une gestion efficace des factures, mais la “culture cash” doit également s’imposer dans les esprits : privilégier, par exemple, la tolérance zéro dans les conditions générales de vente (CGV) pour limiter les risques de délai de paiement voire d’impayés, ou encore décloisonner, au sein de l’entreprise, le travail du “credit manager”.


Hélène JaffiolAnnonce légale dans Le nouvel Economiste

Améliorer la gestion de son poste client, c’est une nécessité vitale pour de nombreuses entreprises, en particulier lorsque les encours représentent près de 40 % des actifs. La première étape consiste à anticiper, autant que possible, le risque client en amont de la facture. Pour y parvenir, les méthodes “artisanales”, comme l’analyse des bilans comptables du prospect, ne suffisent plus pour s’assurer de sa solvabilité, alors même que le “choc de simplification” du quinquennat Hollande a favorisé l’essor du secret économique. En 2016, près de 40 % des entreprises ont opté pour la confidentialité lors de la publication de leurs comptes annuels.

Pour sécuriser le portefeuille clients, il est donc recommandé de compléter les recherches classiques par des outils prédictifs, notamment la notation (scoring) et le diagnostic des comportements de paiement : le prospect paie-t-il à l’heure ses fournisseurs ? risque-t-il d’avoir, à plus ou moins long terme, des difficultés de paiement ? mon client paie-t-il régulièrement ses autres fournisseurs avant moi ? “Il est très important d’identifier les clients dont le comportement de paiement constitue un risque”, explique Thierry Millon, directeur des études chez Altares, spécialiste de la data d’entreprises sur plus de 20 millions d’entreprises en France et 200 millions dans le monde, via le réseau Dun & Bradstreet. Néanmoins, cette démarche a ses limites pour les petites structures : “le scoring est surtout intéressant lorsque l’on traite avec des sociétés de taille intermédiaire. Pour les TPE, il est plus difficile de trouver des informations de cette manière”, avertit Bruno Blanchet, consultant et formateur en credit management au sein du groupement associatif Codinf, qui mutualise les expériences de paiement par secteur d’activité.

La tolérance zéro dans les CGV

Obtenir des informations précises sur le comportement de paiement du client permet ensuite de moduler, si nécessaire, les conditions générales de vente (CGV) figurant sur le contrat. Conditions de règlement, délai de paiement accordé ou non, taux des pénalités applicables en cas de retard, les CGV sont la pierre angulaire d’une bonne gestion du poste client, mais sont souvent négligées par les petites structures : “La grande majorité ne les rédige pas de manière suffisamment prudente”, se désole Bruno Blanchet, qui préconise d’appliquer la tolérance zéro : “Il faut imaginer le plus mauvais payeur possible. Beaucoup d’entrepreneurs pensent que dans les CGV, il faut coller le délai de paiement au plafond légal de 60 jours de retard. Non, c’est une faveur à limiter aux clients de confiance. Sinon, je conseille de bien mentionner que le paiement doit se faire à la commande”. On peut également inclure un acompte au devis lorsque la situation financière du client est mitigée, ou une clause de réserve de propriété qui permet de récupérer les biens en cas d’insolvabilité. Quid des pénalités en cas de retard de paiement ? “Si on privilégie les dispositions légales, soit 2,7 % par an, on envoie le message au client que payer en retard ses factures reviendra moins cher qu’un découvert bancaire. Je conseille donc de fixer des pénalités de retard à 15 % par an, soit légèrement au-dessus du taux d’usure accordé aux PME”, avertit celui-ci. Reste que, bien souvent, la crainte de perdre un contrat, en particulier avec un grand donneur d’ordres, a raison du principe de précaution, surtout lorsque le secteur est concurrentiel.

Des logiciels pour compresser les délais

Pour accélérer la rentrée du cash, les logiciels de gestion sont également un atout indéniable. Sont proposés des scénarios calibrés de relance de facture, des envois automatisés de mails, SMS, un système d’alertes lorsque le client se met à payer moins vite… “Nous permettons à nos clients de gagner entre 3 et 6 jours en moyenne de DSO [Days Sales Outstanding, ou délai moyen de recouvrement, ndlr]”, explique Alain Leonhard, dirigeant de Covline et créateur d’Eloficash, logiciel de gestion du poste client. “Ce qui est très efficace aujourd’hui, c’est de systématiser la pré-relance quelques jours avant l’échéance de la facture”, explique le créateur d’Eloficash. Rentables à partir d’une centaine de factures/mois, ces outils de gestion deviennent plus accessibles grâce notamment au mode d’utilisation SaaS, qui permet un abonnement à distance et une utlisation sur tout support numérique.

Autre alternative : externaliser la gestion délicate du recouvrement à des organismes spécialisés. Attention, néanmoins, de ne pas attendre le dernier moment : “Plus la facture est ancienne, moins elle a de chance d’être payée. Notre action est plus efficace si nous sommes sollicités dès les premières relances”, explique Philippe Brocca, directeur général d’IJCof, leader du recouvrement en France et filiale d’Instrum Justitia. L’objectif : éviter à l’entreprise de s’enliser dans des procédures judiciaires coûteuses. “Nous mettons clairement notre notoriété dans la balance. Faire en sorte que le débiteur redoute de se retrouver identifié comme un mauvais payeur, et règle sa dette.” Autre avantage non négligeable pour les PME qui représentent 80 % des clients d’IJCof, la rémunération des 600 000 créances traitées chaque année est fonction du succès du recouvrement.

L’affacturage en option

Un besoin de financement rapide peut également conduire une entreprise à privilégier une solution d’externalisation de la gestion de son poste client, par le biais d’une société d’affacturage. Elle consiste à céder à un “factor” ses créances pour alimenter rapidement son besoin en fonds de roulement (BFR) et se délester, en parallèle, du travail de recouvrement. Une solution financière qui a connu une année record en 2016, en progression de 8 % avec 268,2 milliards d’euros de créances achetées. En dix ans, le marché a plus que doublé en France : “L’affacturage est aujourd’hui perçu comme une solution de gestion du poste client, et moins comme un dernier recours pour entreprises en difficulté” explique Gaëtan du Halgouët, co-fondateur de Chateaudun Crédit, société de courtage spécialisée en affacturage et assurance-crédit.

Avantage de taille pour la PME : le factor s’intéresse davantage à la qualité de son portefeuille client qu’à sa situation financière. “Les entreprises qui ont peu de fonds propres parviennent difficilement à obtenir des financements bancaires. Dans ce cas, l’affacturage est la seule alternative”, précise Gaëtan du Halgouët. Reste que selon le dernier baromètre du cabinet de recouvrement ARC, réalisé avec l’Ifop, 86 % des entreprises interrogées considèrent toujours ce recours comme trop coûteux pour être rentable. Pour lui, les offres proposées par les leaders du secteur (BNP, Crédit Agricole, Société Générale, Natixis factor) sont, pourtant, de plus en plus compétitives, notamment pour les entreprises en création : “On trouve maintenant des forfaits à partir de 150 euros/mois, et modulables ensuite en fonction du nombre et de la taille des factures. Les frais ont été divisés par deux en cinq ans.” Autre évolution majeure : l’arrivée sur le marché de l’affacturage de plateformes Fintech (Finexkap, Urica, Edebex) qui proposent des offres de cession de factures à la carte et à portée de clic : “Les entreprises peuvent céder ponctuellement des factures, notamment lorsqu’elles se retrouvent confrontées à un décalage de trésorerie”, note l’expert en affacturage.

Sécuriser le poste client est l’affaire de tous

L’optimisation du poste client nécessite certes des outils de gestion adaptés aux besoins de l’entreprise, mais il est indispensable, en parallèle, d’agir contre certains mauvais réflexes : “La tentation est forte chez les commerciaux de faire signer un maximum de contrats un peu aveuglément, surtout en période de reprise économique. Or certains clients présentent un risque élevé, et l’intérêt, au-delà de la nouvelle commande, c’est bien de se faire payer. C’est pour cela qu’il faut sensibiliser les commerciaux aux thématiques de recouvrement”, conseille Thierry Millon, directeur des études chez Altares.

Le travail qualitatif d’après-vente est également central pour une gestion vertueuse du poste client : “Le credit manager ne doit pas être isolé. Il doit agir de concert avec les commerciaux, les conseillers clientèle. Avant, on jouait beaucoup sur l’émotion de la peur pour se faire payer. Les conditions de rentrée du cash sont aussi une façon de mesurer la satisfaction du client”, plaide Alain Leonhard, président de Covline. Parce qu’un client content est un client qui paie.

Pierre Pelouzet
médiateur des relations inter-entreprises auprès du ministre du Redressement productif.

Comment vous êtes-vous intéressé spécifiquement au problème de la facturation ?
En 2013, nous avions mis en place un groupe de travail sur la question des délais de paiement. C’est le sujet numéro 1 de nos saisines en médiation. Dans le cadre des discussions, la complexité de la facturation nous est apparue comme un problème central. Pour les grands groupes, les PME mettent trop de temps à envoyer les factures. Cela peut mettre 30, 40, voire 50 jours. Et lorsqu’on doit les régler dans un délai de 60 jours, ce n’est pas évident. De l’autre côté, les PME expliquent que facturer un grand groupe est un véritable cauchemar.

Pour quelles raisons  ?
Pour la PME, il faut d’abord s’enregistrer dans le système, parfois complexe, du donneur d’ordres. Vient aussi la rédaction proprement dire de la facture. Le fournisseur doit respecter les codes et la mise en page particulière demandés par l’entreprise dans des dossiers explicatifs de 20 à 30 pages. C’est très chronophage. Vient enfin le processus de validation de la facture par le donneur d’ordres. Il y a trois ou quatre niveaux de hiérarchie avant de parvenir au paiement effectif, et encore dans l’hypothèse où la facture a été déclarée conforme. Si la PME travaille avec vingt sociétés, elle peut avoir vingt modes de facturation différents, c’est aberrant !

Quelles sont les pistes pour simplifier l’ensemble du processus ?
Le groupe de travail a pour objectif de passer au crible l’ensemble de la chaîne de facturation, voir comment simplifier, homogénéiser le plus possible les formats. On est encore au stade de l’état des lieux. Mais on sait déjà qu’il est incompréhensible qu’une facture de 3 000 euros et une autre de 3 millions suivent exactement le même processus. Cela fait partie des pistes à creuser.

La loi de plus en plus sévère contre les mauvais payeurs

2008 : La loi de modernisation de l’économie (LME) de 2008 encadre les délais de paiement à 60 jours à compter de la date de la facture, ou 45 jours fin de mois.

2014 : La loi Hamon instaure des sanctions administratives à hauteur de 75 000 euros pour une personne physique    Définition Personne physique :
Le droit français distingue deux catégories de personnes : les personnes physiques d'une part, et les personne morale d'autre part. Une personne physique est un être humain qui doit être majeure et ne pas être en incapacité partielle ou totale.
et de 375 000 euros pour une personne morale    Définition Personne morale :
Une personne morale est un groupement ayant une existence juridique et qui détient, à ce titre, des droits et des obligations (société, association, collectivités ...).
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2015 : La loi Macron limite le seul délai légal à 60 jours à compter de la date d’émission de la facture. Le champ de contrôle de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est étendu aux entreprises publiques.

2016 : La Loi Sapin 2 porte de 375 000 à 2 millions d’euros le montant des amendes administratives. Elle supprime par ailleurs la limitation du cumul des amendes et instaure la publication systématique des sanctions sur le site de la DGCCRF. 

En 2016, le délai de retard moyen pour les PME est de 11,8 jours (contre 13,9 en 2015) et de 10,4 jours chez les grands comptes (contre 12,1 en 2015).
Source : Baromètre du cabinet Arc et Ifop

25 % des faillites d’entreprises sont dues aux retards de paiement et 15 MdE manquaient dans les caisses des PME en 2015.
Source : Altares/médiation inter-entreprises.

Le crédit inter-entreprises représente 635 MdE, soit 30 % du PIB et 4 fois le crédit bancaire court terme.
Source : Altares

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