La certification des comptes, audit, au-delà du rapport

La certification des comptes, une obligation légale à transformer en aide à la décision

Le nouvel Economiste Le nouvel Economiste | Publié le 28 juin 2017
La certification des comptes

par Didier Willot pour
Annonce légale dans Le nouvel Economiste

Compétence, discrétion, intégrité, impartialité… Soumis à des règles déontologiques strictes (inscrites dans le Code du commerce il y a plus de dix ans maintenant, elles sont régulièrement précisées pour s'adapter aux évolutions du monde de l'entreprise), les commissaires aux comptes sont tenus de faire en permanence la preuve de leur indépendance vis-à-vis des entreprises dont ils certifient les comptes. À la différence des experts-comptables    Définition Expert-comptable :
L'activité principale de l'expert-comptable est le conseil aux entreprises. Au-delà de la comptabilité, il apporte son expertise en matière financière, fiscale ou juridique. L'expert-comptable joue aussi bien un rôle de contrôleur que de conseiller.
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qui sont liés à leurs clients par une relation contractuelle, ils exercent une mission d'intérêt général destinée à garantir la régularité et la sincérité des documents comptables qu'ils sont chargés d'auditer.

Conséquence : leurs prestations doivent entrer dans le cadre défini par les normes professionnelles, et toute immixtion dans la gestion des entreprises qu'ils contrôlent leur est interdite. "Néanmoins, la mission que nous a confiée le législateur français fait que nos travaux d'audit constituent le plus souvent une aide utile aux chefs d'entreprise désireux d'améliorer aussi bien l'efficacité structurelle que les performances économiques de leur organisation" assure Jean-Luc Flabeau, président de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes de Paris.

Rappel et interrogations

Premier aspect : l'efficacité structurelle de l'entreprise. En exerçant leur mission première consistant à garantir la fiabilité des comptes annuels publiés par les entreprises soumises à cette obligation, les commissaires aux comptes jouent naturellement un rôle d'information vis-à-vis des chefs d'entreprise concernés. Ils leur rappellent tout d'abord l'importance des responsabilités – financières, juridiques et sociales – qui pèsent sur eux ; ensuite, ils les invitent à s'interroger aussi bien sur la qualité des systèmes d'information que sur des procédures internes qu'ils ont mis en place afin d'y faire face. L'ensemble du dispositif est-il suffisamment efficace ? Faut-il le revoir et le modifier ? Et si oui, dans quel sens et de quelle façon ? Un examen approfondi des travaux des commissaires aux comptes permettra le plus souvent d'identifier les points faibles des systèmes de contrôle interne existant au sein de l'entreprise et de prendre éventuellement les mesures d'adaptation nécessaires pour les améliorer.

“Un examen approfondi des travaux des commissaires aux comptes permettra le plus souvent d'identifier les points faibles des systèmes de contrôle interne”

"Nos audits permettent des échanges approfondis avec nos clients et les organes en charge de la gouvernance sur les risques liés à l'exercice de leur activité, leur anticipation et leur contrôle. Les évolutions technologiques considérables et le big data enrichissent considérablement la profondeur de ce dialogue, ainsi que nos investissements pour garantir la parfaite connaissance par nos équipes des secteurs économiques dans lesquels elles interviennent" explique Alain Perroux, responsable de l'audit chez EY France, le cabinet qui assure le commissariat aux comptes de plus de la moitié des entreprises du CAC 40. Bref, les rapports des commissaires aux comptes constituent de véritables outils d'aide à la décision en matière de prévention des risques inhérents à la vie de toute entreprise.

Sous surveillance

De plus, en raison des prérogatives d'accès aux comptes dont ils disposent et des dispositions législatives obligeant les commissaires aux comptes à transmettre au Parquet les faits délictueux qu'ils pourraient être amenés à constater au cours de leur mission, chacun comprend qu'une certification des comptes sans réserves (ou avec des réserves mineures) constitue un véritable brevet de bonne conduite pour l'équipe dirigeante concernée. D'autant plus, dit-on, qu'en France, près d'une entreprise sur deux serait victime d'une fraude. Fraude interne ou fraude externe ? Très souvent, il s'agit d'une fraude externe réalisée avec une complicité interne. Comment la détecter ? Grâce à ses analyses, un commissaire aux comptes est en mesure d'identifier la plupart des anomalies existant dans la tenue des comptes. Il s'agit le plus souvent d'une simple erreur qu'il est facile de corriger. Mais si l'on a affaire à une véritable fraude, le commissaire aux comptes permettra au chef d'entreprise de remédier aux faiblesses de son système de contrôle interne et de réduire ainsi les risques de nouveaux détournements. Sans compter que l'obligation de soumettre ses comptes à un commissaire aux comptes réduit notablement toute tentation pour d'éventuels fraudeurs, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'entreprise.

“Une certification des comptes sans réserves (ou avec des réserves mineures) constitue un véritable brevet de bonne conduite pour l'équipe dirigeante concernée”

Conséquence : les commissaires aux comptes constituent de véritables tiers de confiance pour toutes les parties prenantes à la vie de l'entreprise : les investisseurs, les prêteurs, les actionnaires, les fournisseurs, les clients, les régulateurs, les acteurs de la gouvernance… Ils leur permettent de se faire une opinion relativement exacte de la situation financière de l'entreprise qui les intéresse. Car la finalité de la mission du commissaire aux comptes, telle qu'elle a été redéfinie par la loi de sécurité financière de 2003, reste sans aucun doute de contribuer à la fiabilité d'une information financière dans un monde économique de plus en plus dense et de plus en plus complexe.

Prévention

Après l'organisation interne, les performances de l'entreprise. Dans le cadre de la loi de prévention des difficultés des entreprises, les commissaires aux comptes sont amenés à consulter les documents prévisionnels élaborés au sein des entreprises auditées. Une excellente occasion pour les dirigeants d'en discuter avec eux et de s'interroger sur les perspectives d'évolution de leur société    Définition Société :
Une société est une entité dotée d’une personnalité juridique. Elle est créée dans un but marchand. Elle est la propriété collective de ses actionnaires.
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, ses orientations stratégiques, ses équilibres financiers, ses besoins de financement, ses hypothèses de croissance… En effet, le commissaire aux comptes peut apporter une assurance financière en effectuant des audits financiers lors de croissances externes, en validant, sous la forme de "vendor due diligence" les comptes de filiales à céder à des tiers, etc. Autant de sujets qui entrent dans le cadre des normes d'exercice de la profession et qui peuvent faire l'objet de ce que l'on appelait autrefois une "diligence directement liée", DDL dans le langage professionnel, qui est désormais baptisée "services accessoires à la certification des comptes", SACC. Autrement dit un travail complémentaire que les commissaires aux comptes peuvent parfaitement assumer dans la mesure où il se situe dans le prolongement logique de leur mission légale de certification des comptes. Ils sont en effet perçus par leurs clients ainsi que par les tiers comme des partenaires de confiance qui partagent les enjeux des entreprises et rassurent également par la solidité de leurs avis et de leurs rapports.

“Nous sommes de plus en plus souvent conduits à accompagner le développement de nos clients en réalisant des audits d'acquisition”

Autre exemple d'intervention possible : les travaux d'attestation concernant les ratios bancaires à respecter ou l'octroi de subvention. "Au-delà de nos travaux relatifs à l'information financière des entreprises, nous sommes de plus en plus souvent conduits à accompagner le développement de nos clients en réalisant des audits d'acquisition lors d'opérations de marché ou à leur apporter un maximum de confort vis-à-vis des tiers dans leurs opérations courantes" confirme Daniel Kurkdjian, pdg de Grant Thornton (23 bureaux et près de 1 700 collaborateurs).

RSE aussi

Autre domaine important dans lequel les commissaires aux comptes sont désormais autorisés à intervenir : la responsabilité sociale et environnementale de l'entreprise, qui n'est plus l'apanage des sociétés cotées. En effet, un texte publié en décembre 2013 autorise la réalisation de travaux d'audit chiffrés destinés à fiabiliser les données d'une entreprise concernant tout ce qui peut entrer dans le champ de la RSE : les relations sociales, les contraintes environnementales, le mécénat… "Bien entendu, comme pour les audits financiers traditionnels, ils excluent la possibilité pour le commissaire aux comptes de délivrer des conseils, et encore moins de participer à des négociations avec des entreprises partenaires en la matière. Pour une gouvernance efficace en effet, il convient que chaque acteur reste dans son rôle, notamment ceux qui bénéficient d'un mandat spécifique au service d'une mission légale" précise Bernard Drui, fondateur et managing director de la filiale française du cabinet américain Protiviti, spécialisé dans le conseil en systèmes d'information et en gestion des risques.

“Il convient que chaque acteur reste dans son rôle, notamment ceux qui bénéficient d'un mandat spécifique au service d'une mission légale”

Bref, en donnant, au cours de leurs missions légales, une image fidèle des résultats, de la situation et du patrimoine financiers des entreprises auditées, les commissaires aux comptes garantissent la fiabilité et la transparence de l'information financière qu'ils délivrent à l'ensemble de leur écosystème. Mais ils finissent aussi par acquérir une connaissance approfondie de l'organisation et de l'environnement qui permet aux chefs d'entreprise de prendre davantage conscience des perspectives, des menaces et des risques liés au secteur d'activité dans lequel ils évoluent. Dès lors, ils peuvent faire de cette obligation légale un outil d'aide à la décision dans des domaines aussi divers que le contrôle de gestion, les opportunités de développement ou même la pérennisation de leur activité…

Une législation d'inspiration européenne
Première réforme importante de la réglementation relative à l'activité des commissaires aux comptes dans notre pays depuis la loi de sécurité financière de 2003, l'ordonnance du 17 mars 2016 vise à mettre la législation française en conformité avec deux directives européennes prises au cours de l'année 2014. Applicable depuis le 17 juin 2016, ce texte prévoit tout d'abord des dispositions destinées à garantir l'indépendance des commissaires aux comptes. Non seulement la liste des services autres que la certification des comptes pouvant être délivrés aux entreprises auditées a été notablement réduite, mais surtout le système des sanctions applicables en cas de non-respect des règles en vigueur a été étendu aux collaborateurs des commissaires aux comptes ainsi qu'aux chefs d'entreprise concernés. À noter également que, pour les comptes d'entités d'intérêt public (c'est-à-dire ceux des sociétés cotées, des établissements de crédit et des compagnies d'assurances), les commissaires aux comptes seront désormais désignés à l'issue d'une procédure spécifique de mise en concurrence, et que la durée de leur intervention ne pourra pas aller au-delà de six ans.

Autre disposition importante : les prérogatives du Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C), l'autorité publique chargée de la régulation de la profession, ont également été revues. Ainsi, le H3C a été doté de compétences nouvelles en matière d'habilitation des commissaires aux comptes, de supervision de la formation continue et d'élaboration des normes applicables au travail d'audit. Autant de domaines pour lesquels il disposera également de pouvoirs d'enquête et de sanction sensiblement accrus.

Les contours d'une mission
Applicable de manière obligatoire à un nombre important de sociétés, dont plus de 50 % comptent moins de 10 salariés, la mission dite de contrôle légal consiste à réaliser un audit comptable et financier destiné à vérifier la sincérité et la régularité des comptes annuels produits par l'entreprise cliente. Elle peut être exercée par une personne physique    Définition Personne physique :
Le droit français distingue deux catégories de personnes : les personnes physiques d'une part, et les personne morale d'autre part. Une personne physique est un être humain qui doit être majeure et ne pas être en incapacité partielle ou totale.
expert-comptable ou par une société professionnelle agréée, alors appelée commissaire aux comptes, inscrite sur une liste officielle dressée dans le ressort de chacune des cours d'appel du pays. Conclue pour une durée minimum de 6 ans, cette mission doit répondre à un code de déontologie qui exclut toute immixtion dans la gestion de l'entité contrôlée.

Les travaux des commissaires aux comptes donnent lieu à la publication d'un rapport dit de certification, qui a pour objet de garantir à toutes les parties prenantes que les comptes sont réguliers et sincères, c'est-à-dire qu'ils donnent une image fidèle des résultats, de la situation financière et du patrimoine de l'entité.

Trois niveaux de conclusions sont possibles :
La certification sans réserve : les comptes annuels sont établis selon les règles et les principes comptables en vigueur.

La certification avec réserves : il existe des réserves sur certains points mentionnés dans le rapport qui doivent être corrigés.

La non-certification : les comptes ne sont pas conformes aux normes d'évaluation et de présentation en usage, ou ils n'ont pas été établis avec loyauté ou bonne foi.

Pour mener à bien leurs travaux, les commissaires aux comptes disposent d'un certain nombre de prérogatives vis-à-vis des dirigeants de l'entreprise contrôlée, et notamment un droit d'accès quasi absolu aux documents produits par elle, et ils doivent communiquer le résultat de leurs investigations à ses mandataires sociaux ainsi qu'à ses actionnaires. Naturellement, ils ont également l'obligation de révéler à la justice les faits délictueux qu'ils pourraient découvrir au cours de leurs interventions.

En 2016, on comptait en France 19 000 commissaires aux comptes habilités (13 500 personnes physiques et 5 500 personnes morales) et 220 000 comptes annuels audités pour un chiffre d'affaires total de 2,6 Mde.
52 % des mandats sont réalisés dans des SAS, 16 % dans des SA, 12 % dans des SARL, 11 % dans des SNC et 9 % dans des actions ou fondations.
54 % des mandats sont réalisés dans des entreprises de moins de 10 salariés, 15 % dans des entreprises comptant entre 11 et 20 salariés, 18 % entre 21 et 50 salariés et 15 % plus de 50 salariés.

Source : CNCC

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