Perte de la moitié de son capital social : que faire ?

Les articles L. 223-42 et L.225-248 du code du commerce, selon la forme juridique de la société, imposent à une entreprise de toujours avoir en fonds propres au moins la moitié du montant de son capital social, sinon ...

JuriPresse JuriPresse | Publié le 25 février 2019
Perte de la moitié de son capital social : que faire ?

Qui est concerné ?

La loi encadre la situation de perte de la moitié de son capital social. Les sociétés concernées par ce cadre sont :

  • Les SARL (société à responsabilité limitée)
  • Les EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée)
  • Les SA (sociétés anonymes)
  • Les SCA (sociétés en commandite par actions)
  • Les SAS (sociétés par actions simplifiées)
  • Les SASU (sociétés par actions simplifiées unipersonnelles)

Seules les SNC (Société en nom collectif) et les sociétés en commandite simple ne sont pas concernées par les dispositions prévues par le Code du commerce.

Que dit la loi ?

Les articles L. 223-42 et L.225-248 du code du commerce, selon la forme juridique de la société, imposent à une entreprise de toujours avoir en fonds propres au moins la moitié du montant de son capital social    Définition Capital social :
Le capital social d’une entreprise est égal au montant total des apports de biens et d’argent que les associés ou actionnaires font à la société en contrepartie de parts sociales ou actions en fonction de la forme juridique de l’entreprise.
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. Si les fonds propres descendent en dessous de ce seuil, il est estimé que l’entreprise n’est plus financièrement viable.

Concrètement ?

Dans le détail, les capitaux propres sont constitués, selon la loi de « la somme algébrique des apports, des écarts de réévaluation, des bénéfices autres que ceux pour lesquels une décision de distribution est intervenue, des pertes, des subventions d’investissement et des provisions réglementées », article R. 123-191 du Code du commerce.

Les capitaux propres, ou fonds propres, sont les ressources financières de l’entreprise. Les dettes ne sont pas prises en compte dans le calcul des fonds propres. Ils sont inscrits au passif du bilan comptable. Ils symbolisent la trésorerie disponible au sein de l’entreprise, sa ressource stable pour financer son activité, ses investissements.

Pour simplifier : Capitaux propres = Capital social + Réserves + Report à nouveau + Bénéfices ou pertes.

On peut aussi calculer les capitaux propres en faisant le total des actifs, auquel on soustrait les dettes.

Perte de la moitié du capital, un exemple :

Une SARL au capital de 10.000 € affiche un résultat négatif de 7.000 € à la fin de son exercice    Définition Exercice comptable d’une société :
L'exercice comptable désigne la période de temps limitée au cours de laquelle une entreprise enregistre toutes ses opérations économiques et commerciales dans sa comptabilité.
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. En considérant qu’elle avait 1.000 € de réserves, ses fonds propres ne sont plus que de 4.000 €, elle est passée en dessous du seuil toléré.

Que faire ?

La loi impose de convoquer les associés de l’entreprise dans un délai de quatre mois à partir de l’approbation des comptes qui ont révélé cette situation.

  • Pour les SARL, la consultation des associés peut se faire par écrit, ou en Assemblée Générale Extraordinaire (AGE)    Définition Assemblée Générale Extraordinaire (AGE) :
    Une Assemblée Générale Extraordinaire (AGE), qui peut être convoquée à la demande de la direction de l'entreprise ou d'un groupe d'actionnaires, est une réunion exceptionnelle de l'entreprise pour prendre des décisions importantes.
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    . La décision sera prise à la majorité requise pour la modification des statuts    Définition Statuts :
    Les statuts sont un acte constitutif d'une société ou d'une association et en fixent les règles de fonctionnement.
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    , soit en général les deux tiers des parts sociales avec un quorum d’un quart des parts. Pour les SARL créées avant 2005, la majorité requise est des trois quarts, sans quorum nécessaire.
  • Pour les SA, la décision, en Assemblée Générale (AG) uniquement, requiert une majorité des deux tiers du capital, avec un quorum d’un quart.
  • Pour les SAS, c’est en fonction de ce que les statuts prévoient.

A cette Assemblée Générale, il pourra être décidé différentes solutions :

  • La dissolution    Définition Dissolution :
    La dissolution, à ne pas confondre avec « la mise en sommeil d'une société » ou encore la « liquidation », est une décision des associés ou de la justice de mettre fin à la société.
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    immédiate de la société, ce qui est rare.
  • Le maintien de l’activité dans le but de reconstituer les capitaux propres à hauteur d’au moins la moitié du capital, et ce dans un délai de deux ans.
  • La réduction du capital social de l’entreprise, dans la limite du minimum de 37.000 € pour une SA.
  • L’augmentation du capital social.

C’est la plupart du temps le maintien de l’activité qui est décidé. La modification du capital ou la dissolution peuvent de toute façon être décidées après le délai de deux ans accordé pour se renflouer.

Il est à noter que cette procédure ne concerne pas les sociétés qui sont en redressement judiciaire    Définition Procédure de Redressement Judiciaire :
La procédure de redressement judiciaire est un dispositif permettant d’aider les entreprises en difficultés. Le but est de permettre la poursuite de l’activité, et de faciliter la réorganisation de l’entreprise.
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, en procédure de sauvegarde, ou qui bénéficient d’un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire. Attention ! Il est sévèrement puni de ne pas respecter cette procédure de consultation ses associés.

Le défaut de consultation et le défaut de réalisation des formalités de publicité auprès du tribunal de commerce, et d’un journal d’annonce légale    Définition Annonce légale :
Une annonce légale, ou publicité légale, correspond à une publication obligatoire, depuis le décret numéro 55-22 du 4 janvier 1955, dans un journal d’annonces légales habilité dans le département du siège de la société.
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exposent les dirigeants à 6 mois d’emprisonnement et 4.500 € d’amende. De plus, si la consultation des associés n’a pas eu lieu, ou si les délibérations n’ont pu se passer dans de bonnes conditions, un associé, un actionnaire, et même un créancier, peut demander la dissolution de la société au Tribunal de Commerce.

Les solutions, en détail :

Différentes options permettent de rétablir la situation suite à une perte de la moitié de son capital social, c’est à dire de faire passer les capitaux propres de l’entreprise au-dessus du seuil de la moitié du capital social.

La plus évidente, la plus simple, et la plus heureuse, est de réaliser des bénéfices au cours des deux exercices qui suivent, afin d’absorber les pertes de l’entreprise. Mais on ne choisit pas toujours.

La réduction de capital :

La réduction doit être suffisante pour que les fonds propres représentent au moins la moitié du capital. Pour notre SARL à 10.000 € de capital initial, ayant 4.000 € de fonds propres, la réduction doit donc être d'au moins 2.000 €, pour porter le capital à 8.000 € maximum. Pour cette option une formalité de réduction de capital à déposer au greffe

L’augmentation de capital :

Une procédure consiste en une augmentation de capital en numéraire, de façon à augmenter le ratio capital/fond propres. Dans l’exemple ci-dessus, une augmentation de 2.000 € permettrait d’atteindre 6.000 € de fonds propres pour 12.000 € de capital. Pour cette option une formalité d'augmentation de capital est à déposer au greffe

Si l’augmentation de capital ne se fait pas en numéraire, elle peut être réalisée par incorporation d’un compte courant d’associé, dans la mesure où l’assemblée générale n’a pas exclu cette solution. L’augmentation de capital par incorporation des réserves ou des primes d’émission constitue également une solution.

Le « coup d’accordéon » :

C’est une technique qui permet d’apurer une partie, voire la totalité des pertes de l’entreprise en procédant successivement à une réduction de capital, puis à une augmentation.

L’intérêt de cette opération est de permettre d’intégrer un nouvel actionnaire de façon avantageuse pour lui. La réduction du capital réduit la valeur des participations des actionnaires initiaux. L’augmentation du capital avec l’apport du nouvel actionnaire va mécaniquement lui octroyer une part proportionnellement plus importante que s’il avait fait son apport sur le capital initial. Une procédure qui n’est pas à l’avantage des actionnaires originaux, mais qui a le mérité de stimuler le renflouement d’une société en difficulté.

Cette opération est autorisée sous réserve qu’elle ne constitue pas un abus de majorité, ce qui est soumis à interprétation du tribunal de commerce.

L’abandon de comptes courants d’associés :

Pour éviter un changement de capital, et donc les procédures de changement de statut, les frais de greffe, il existe enfin l’abandon de comptes courants d’associés, avec une « clause de retour à meilleure fortune ». Les capitaux propres sont renfloués par cet apport, et la clause de de retour à meilleure fortune » prévoit le remboursement de l’associé lorsque les résultats de l’activité seront positifs.

La reconstitution des fonds propres par l’abandon de compte courant d’associé est une simple écriture comptable. La seule obligation de cette procédure est qu’elle doit être signifiée par une lettre de l’associé informant la société de sa décision d’abandonner son compte courant.

Que se passe-t-il après ?

Que ce soit par une modification du capital, un heureux retour aux bénéfices ou un abandon de compte, lorsque les capitaux propres repassent le seuil de la moitié du capital social, une assemblée générale constate la régularisation. Ce constat doit être déposé au greffe du Tribunal de commerce    Définition Greffe du Tribunal de Commerce (GTC) :
En plus des fonctions communes à tout greffe de tribunal, le Greffe du Tribunal de Commerce ou GTC, tient le Registre du Commerce et des Sociétés (RCS), auquel doivent être inscrits les sociétés et commerçants.
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, moyennant des frais d’enregistrement.

Cet enregistrement permet de retirer de l’extrait kbis    Définition Kbis :
Le Kbis, appelé aussi extrait Kbis, est un document officiel attestant l'existence juridique d'une société en France, et qui donne les informations relatives à sa personnalité morale
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la mention « capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social ».

Quels sont les risques d'une perte de la moitié de son capital social ?

Aucune sanction pénale n’est prévue contre le ou les dirigeants d’une société s’ils n’ont pas reconstitué les capitaux propres dans le délai de deux ans accordé.

Toutefois, comme signifié plus haut, la non-information des associés comme le prévoit la procédure peut donner lieu à de réelles sanctions (jusqu’à 6 mois d’emprisonnement, 4.500 € d’amende), et autorise les associés à demander la dissolution de la société. Il est donc largement conseillé de respecter la procédure.

Ce qui est constaté dans la pratique, c’est que de nombreuses sociétés perdent la moitié de leur capital social, particulièrement au début de leur activité. Les dirigeants ont généralement recours à l’emprunt, auprès de banques ou auprès des associés, pour maintenir l’activité. Tant que le seuil de la moitié du capital social en fonds propres est conservé, les dirigeants ne risquent aucune poursuite.

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